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Sourires
7 janvier 2008

Le dictionnaire

    Le bouquiniste – un vieillard digne – s'était approché de moi et de l'ouvrage que j'avais sorti du fond d'une étagère. En se calant contre le mur, il me prit l'objet des mains et se mit à m'en vanter les mérites :
    « Soyez bien sûre, madame, de la valeur de ce livre-là parce qu'il contient toute la mémoire des hommes. Et les hommes, sans mémoire, qu'est-ce donc ? » (J'étais d'accord, a priori.)
    Il poursuivit : « Madame, il ne se trouve pas, au monde, de meilleur investissement que celui-ci. » (J'acquiesçai au prix.)
    « C'est un bijou que vous avez là. Un véritable trésor. » (J'en étais la première persuadée.)
    « Tenez, par exemple », dit-il, sur sa lancée, en ouvrant le livre et se mouillant le doigt (!), « il se trouve, là – et partout – (il tournait les pages), des mots que, moi-même, je ne comprends pas. On dit, aussi », souffla-t-il plus bas en baissant un peu la tête, « que certains d'entre eux sont magiques. Ne riez pas. Cela existe. » (Je ne riais pas !)
    « Maintenant, si vous n'êtes pas sûre de votre choix, alors n'achetez pas. Ne prenez pas. Ne regardez même pas ! » Sur le moment, je ne compris pas ce qui arrivait au vieil homme qui, subitement, avait changé de ton et d'humeur. Il semblait fébrile d'un coup, inquiet.
    « Mais monsieur, votre livre, je le veux », lui répondis-je en refermant l'ouvrage devant moi. « Je vous assure, il me plaît », ajoutai-je en ramassant certains des mots qui, subrepticement, avaient glissé sur la table. « Je le prends ! »
    (Novembre 1999)

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